Meetic serait-il victime de son succès ? Si le leader du marché de la rencontre web, prétend désormais attirer près de 44 000 célibataires par jour, la chose n’est pas sans effet pervers : il devient désormais aussi difficile d’y trouver sa moitié que de saisir une paire de Converse taille 35 1/2 un jour de soldes… «Pour les femmes, souvent à la recherche de rencontres sérieuses, cette profusion d’offres a créé des déceptions», explique Nicolas Guégen, professeur de psychologie sociale à l’université de Bretagne Sud à Vannes. Résultat, Meetic.fr a dû se renouveler en se déclinant. Et doit désormais faire face à une concurrence sans merci d’autres sites. De plus en plus segmentés autour de communautés.
C’est le constat qu’a fait Ericka, jeune journaliste d’origine antillaise du site afro-caribéen Grioo.com. Pour ses fidèles lectrices, elle s’est lancée dans la conquête de l’âme sœur. Direction Meetic. La panique : trois mille «flashs» d’un seul coup avec des messages franchement explicites. «Je cherchais une relation, pas des mecs en chaleur !» raconte-t-elle. La jeune femme s’est, du coup, tournée vers Ulteem.fr, dernier-né du groupe Meetic, qui s’autoproclame "leader de la rencontre sérieuse". Ce site promet, grâce à une méthode (soi-disant) imparable de tests de compatibilité, de mettre en connexion les aspirants à l’amour.
Peau noire. Après des heures à répondre à un test, elle s’est retrouvée avec un "profil psychologique" sous la forme d’un camembert détaillant son taux d’engagement, ses valeurs, le type de relations qu’elle recherchait ou l’importance de ses valeurs. En échange : une liste de jeunes hommes, classés par pourcentage de compatibilité. Pas très glamour. «Pourquoi je serais plus compatible avec un capricorne aimant les chats et moins avec un bélier mangeur de pâtes ?» s’interroge-t-elle. Adieu Meetic, la jeune femme qui au fil d’autres sites s’est aperçue que sa peau noire la rendait «moins attractive» s’est alors tournée vers les sites vraiment communautaires.
«Quand on va sur des sites non communautaires, les gens s’imaginent le cliché de la femme noire qui cherche l’homme blanc», estime Fanny, jeune internaute qui a suivi le même chemin. Hélas pour les filles, côté afro-caribéen, il existe encore peu de sites de rencontres visant le durable. La plupart attirent surtout, selon les deux jeunes femmes, de vieux monsieur amateurs de femmes noires… «J’étais très sollicitée par les vieux pépés, il y a même eu un de 70 ans qui m’écrivait des poèmes», témoigne Fanny. Pour d’autres communautés, en revanche, l’offre Internet s’est considérablement étoffée.
Ainsi pour les juifs, il y a E-mazal.com, ou jdream.fr, qui existent déjà depuis quelques années. La note d’intention de jdream.com est claire : «réunir les adultes de la communauté juive francophone.» Autre exemple, le site Mektoube.fr, plus récent que jdream.com et moins axé sur le mariage, propose des rencontres entre Maghrébins ou Français d’origine maghrébine. Il fonctionne sur le même principe que le Meetic classique, seule différence, dans la rubrique «valeurs», l’internaute est invité à décliner son origine, sa langue (arabe, berbère ou français) et s’il est pratiquant. Cette tendance est, aux yeux des spécialistes, le résultat de la banalisation d’Internet comme outil de rencontre.
Si au début les premiers dragueurs en ligne espéraient sortir de leur petit cercle pour trouver l’amour, ils en sont revenus. «On a besoin de familiarité pour favoriser les interactions. Quand on se sent seul, c’est important», analyse Nicolas Guégen. Cette familiarité, elle s’exprime par la couleur de peau, la religion, le pays d’origine, le boulot, la culture…
Homme marié. Dans cette veine, le site pointscommuns.com met en relation des gens partageant «les mêmes goûts culturels» Enfin, dernier outil de sélection utilisé par le Web, le prix. Si sur certains, on peut s’inscrire gratuitement, d’autres comme Be2.fr, où on ne croise que des cadres sup, est un site payant. La formule à péage sur Internet, une idée stupide ? Pas tant que ça :
«Une personne pas libre - dans la grande majorité des cas, l’homme marié qui cherche une aventure - n’ira pas payer alors qu’il a la possibilité de la gratuité ailleurs», analyse Nicolas Guégen. Ce filtre supplémentaire illustre la revanche des agences matrimoniales. Avec l’arrivée de l’Internet et du tout gratuit, celles-ci avaient été marginalisées. Désormais, à l’instar de Be2.fr, elles s’invitent sur le Net et récupèrent ceux qui ne cherchent qu’une chose : trouver leur moitié.
Source : Libération